• Harlan Corben est un auteur de best seller bien connu pour ses intrigues complexes avec un début original et intriguant.
    "Ne le dis à personne", le premier roman qui lui a valu un grand succès en France en est le parfait exemple.
    En dehors de ces romans uniques, il poursuit une série de polars avec le héros récurrent : Myron Bolitar, agent sportif, ancien joueur de basket et ex membre du FBI.
    "Temps mort" est le dernier paru de cette série.
    Corben nous relate l'histoire de Brenda Slaughter, jeune joueuse prometteuse de Basket, représentée par Bolitar qui est inquiétée par des coups de téléphone et par la disparition de son père. Bolitar va donc devoir une fois encore mener une enquête qui va s'avérer plus dangereuse et violente que prévue.
    Autant le dire tout de suite, la série "Bolitar" n'est pas le meilleur de Corben.
    Il y déploie un récit classique avec des intrigues sans surprise et déjà vues.
    Ses livres seraient quand même intéressants si Corben ne recourait pas à des facilités artificielles qui minent le récit.
    Ainsi, l'utilisation de personnages caricaturaux (comme les mafieux, ou les hommes politiques) est-elle trop fréquente.
    Corben fait aussi un peu trop appel au pratique et mystérieux ami de Bolitar qui règle sans délai et détail tout ce que l'auteur ne peut pas expliquer dans son intrigue.
    Un peu trop facile donc pour un auteur de la classe de Corben qui nous a habitué à largement mieux.
    Corben reste un auteur à lire...mais éviter la série "Bolitar".

    Temps mort , Harlan Corben, Ed. Fleuve noir, 20 € env.

     


  • Depuis "Anacostia river blues"  Nicolas "Nick" Stefanos n'a pas vraiment freiné sur la bouteille.
    Dans "Funky guns", il continue à picoler mais aussi à ponctuer son parcours de musique.
    George Pelecanos nous entraine dans une nouvelle aventure de son privé pas vraiment professionnel (puisque barman à plein temps ) mais plutôt efficace.
    On y suit deux histoires en parallèle.
    Tout d'abord celle de Dimitri Karras, qui perd son fils lors d'un braquage organisé par les frères Farrow.
    Depuis se drame, il vivote et a perdu gout à la vie. Reste en lui un envie de se venger qui sommeille.
    De l'autre côté, il y a Stefanos qui enquête sur un meurtre pour une de ses amie avocate commise d'office.
    Pas vraiment le même univers si ce n'est que les deux histoires vont se croiser.
    D'abord parce que Stefanos rend service à Karras, qui est d'origine grec comme lui, en lui trouvant du boulot. Ensuite parce que les deux histoires se recoupent par la grâce d'une voiture volée.
    Tout l'intérêt du livre est dans la description des personnages et de leurs parcours. La fin, quant à elle, est attendue et classique pour le genre : violente et mortelle.
    On y suit donc l'itinéraire de Roman Otis, le voyou chanteur et fier de son apparence et de Franck Farrow, psychopathe sanguinaire obnubilé par le désir de venger son frère mort lors du braquage.
    Leurs parcours, leur interrogations, leurs états d'esprit ainsi que la manière dont s'organise leurs relations constituent une grande partie du livre.
    De l'autre côté il y a le père de l'enfant mort lors du braquage.
    Lui s'en sort petit à petit et commence à se reconstruire après toutes ces années.
    Pourtant, on devine que seul un acte vengeur et libérateur pourra l'aider à tourner la page.
    Tout l'art de Pelecanos est de nous amener à cette fin attendue sans que le chemin soit trop conventionnel et donne une impression de "déjà vu".
    Reste un bon polar, rythmé et violent, une course effrénée vers une fin attendue et digne des westerns.

     

    Funky guns, Nicolas "Nick" Stefanos, Point n°1158, 398 pages, 8 € env.


  • L'Autre Vue, ou également appelé Voyous de velours, paraît en 1904. Georges Eekhoud profite ici pour approfondir son personnage, Laurent Paridael, qui a été l'héros de La nouvelle Carthage, paru en 1888. Il nous conte en effet ici, un épisode de La nouvelle Carthage, uniquement cité dans le premier roman, où Laurent Paridael part pour Bruxelles, plus spécifiquement dans le fameux et très populaire Quartier des Marolles, pour vivre parmi une bande de voyous. Il sera également amené à devenir enseignant dans un centre pénitencier et même fossoyeur, avant de repartir à Anvers pour conclure La nouvelle Carthage.
     
    On nous décrit ici l'admiration passionée et exagérée de Laurent Paridael pour les voyous, les sous-prolétaires en haillons. La prédilection du héros pour les marginaux dévoile des tendances homosexuelles et anarchisantes. Ce livre est avant tout un témoignage de la révolte d'un écrivain anticonformiste contre la société belge, très bourgeoise, de la fin du XIXe siècle.
     
    Cependant, le livre est assez difficile à lire et à accrocher le lecteur, dans la mesure où l'on suit le héros et sa passion qui paraît très exagérée, dans une foule d'aventures sans suite. Il n'y a pas d'intrigue proprement dite, mais plus une errance psychologique d'un héros, qu'on a parfois du mal à comprendre, à travers les bas-fonds de la société. Un certain ennui apparaît également du fait qu'Eekhoud nous répète plusieurs fois des mêmes idées.
     
    Ce livre peut être recommandé, sans être nécessaire, en tant que complément de l'excellent La nouvelle Carthage, mais ne vaut pas la lecture pour lui-même.


  • Andrew Wiggin, surnommé Ender, est un enfant de six ans vivant dans un futur qui a subi deux attaques dévastatrices d'insectes extraterrestres, appelés communément les 'Buggers'. Les nations se sont regroupés pour unir leurs forces, sous une armée internationale. Un programme militaire pour la formation des futurs commandants de la flotte est en cours. Ces futurs stratèges, tous des enfants doués de capacités intelectuelles hors normes, devront être suffisamment sensibles pour ne pas être des monstre, mais assez durs pour tuer. Mais le temps est compté. Ender est choisi pour devenir un futur stratège, dû à son intellect hors norme. Très vite, parmi les élèves-officiers - tous des surdoués - Andrew Wiggin, focalise toutes les attentions. Appelé à devenir un puissant stratège, voir le plus puissant, pour parer une nouvelle invasion, il est le jouet des manipulations supérieurs depuis sa naissance... Ender est condamné à se dépouiller de lui-même pour porter le poids de l'humanité jusque dans les étoiles.
     
    Les romans d'Orson Scott Card sont de véritables drames shakespeariens. Ender erre en quête d'une liberté qui lui sera toujours refusée, afin d'accomplir les tâches que d'autres ont choisies pour lui. Ce roman montre également sans détours la violence des relations entre les enfants. Lorsque celle-ci est exacerbée et exploitée à des fins militaires (ou à n'importe quelles fins par des adultes), le résultat est effrayant. On y voit également la perversion du jeu, jeu auquel s'entraînent les enfants dans le centre de formation, métaphore évidente du sport professionnel à l'américaine, mais aussi le jeu vidéo qui absorbe le jeune Ender de plus en plus, et les stratégies employées sont fort intéressantes.
     
    Ce roman, qui a remporté à la fois les deux plus prestigieux prix de science-fiction, le Hugo et le Nebula, tient le lecteur en haleine  depuis la première jusqu'à la dernière page, malgré ses nombreuses invraissemblances (l'histoire parallèle du frère et de la soeur d'Ender est peu crédible, même si elle est très intéressante). On y trouve de nombreuses références évidentes à Starship Troopers de Robert A. Heinlein, mais le livre reste tout à fait unique. Le livre est d'ailleurs l'un des plus populaires du genre de la science-fiction, et à raison.
     
    La Stratégie "Ender" est le premier d'une série de quatre livres, la Saga "Ender".


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    Dans Paysage de papiers (1983), Axionov intitulait l'un de ses chapitres « Le Labyrinthe de Moscou ». Le mot désignait un bar de nuit du nouvel Arbat : fausse piste ou germe lointain des Hauts de Moscou ? Toujours est-il que l'auteur revient ici avec son énergie et sa fantaisie habituelles aux thèmes qui lui sont chers et qui hantent sa génération : Staline, approché de façon iconoclaste dans Une saga moscovite ; le face-à-face tortueux du dictateur et de l'artiste ( « destructeur du genre humain, quel besoin as-tu eu d'un poète ? ») ; les mobiles de la soumission, qui résument l'état d'esprit de tous ceux qui ont cru par millions que les arrestations arbitraires étaient de simples erreurs : « je ne peux pas croire que tant de millions d'hommes, y compris mon père, aient été sacrifiés sans raison ». On retrouve surtout la verve coutumière d'Axionov, son humour, le goût de la mystification, l'invention burlesque à partir des détails cocasses ou sinistres qui forment le cadre réel de la fiction. Les lecteurs russes captent sûrement mieux que d'autres les clins d'oeil, les allusions historiques ou littéraires qui émaillent le récit sans ralentir l'allure : les Trois gros d'Olecha et les trois oranges de Prokofiev (p. 45), les patronymes façon Gogol (Moki et Naki, p. 52), la paupière clignotante (tic ou vrai clin d'oeil, p. 70) rappelant celle du juge de Crime et Châtiment... Mais le texte offert par Lily Denis, fidèle traductrice d'Axionov, fait bien sentir à quiconque le jeu avec la langue et l'ivresse qui naît de « la boisson domestique des mots », même quand il s'agit d'évoquer des drames.


    L'auteur lui-même se faufile dans son récit sous le nom d'Untel Untelovitch Untelovski, alias Vassili Voljski (de la Volga) ou Kostian Merkoulov : il est le «
    môme des abords du goulag », le carabin chassé de la fac de Kazan pour avoir dissimulé « le sort difficile » de ses parents (hypocrite litote pour dire qu'ils furent victimes de la répression), le fou de jazz, l'ami des «zazous » côtoyant la jeunesse dorée, la « mauvaise graine » en rupture avec la norme soviétique. L'époque du socialisme triomphant après la seconde guerre mondiale et celle du communisme tout court sont à présent révolues : pourquoi l'auteur vient-il encore rôder autour de ce qu'il a tant détesté ? Parce que, glisse-t-il en passant, « c'est ma jeunesse qui a traîné ici, qui a utilisé tous les téléphones du coin, ce sont nos rêveuses jeunes filles qui ont grandi dans ces maisons. Et le mépris se mue soudain en tendresse ».

     

     

    Les Hauts de Moscou, Vassili Axionov

     

    Moskva-kva-kva, traduit du russe par Lily Denis
    Actes Sud, 2007