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Critique de Jean Anouilh - Becket ou l’honneur de Dieu
Scripto, la collection de Gallimard Jeunesse, réédite une des pièces de Jean Anouilh, connue surtout pour sa réactualisation d’"Antigone". Il s’agit là de « Becket ou l’honneur de Dieu ». La symbolique de toute l’histoire tient sur la couverture : une poignée de main fraternelle, amicale. Mais éphémère, portée par les circonstances. Anouilh nous transporte dans l’Histoire moderne de l’Angleterre, quelques temps après que les Normands, dont Guillaume le Conquérant, se soient appropriés les terres. Henri II se lie d’amitié pour Becket, un gentilhomme, un « Saxon » à son service. Mais l’affection ne peut s’entretenir lorsqu’elle est pervertie par l’orgueil et le pouvoir.
En effet, le roi d’Angleterre, après la mort du grand Archevêque, voit l’occasion rêvée de contrôler l’Eglise en confiant le poste à Becket. Celui-ci, contraint, accepte sa fonction. Mais bien vite, il est rattrapé par celle-ci, et découvre « l’honneur de Dieu », qui ne peut s’abaisser à la corruption.
Blessé dans son orgueil, Henri fera tout pour pourchasser son meilleur ennemi, oscillant entre amour et haine, faisant usage de toute l’hypocrisie dont il est capable.
Le dramaturge navigue dans le temps et l’espace, nous emmenant toujours où il veut, sur le trône du Roi, dans une cathédrale ou même dans une cabane perdue dans les bois. Il utilise également toutes les tonalités dont il dispose, conférant à la pièce une dimension tragi-comique. L’acte 2, où il dresse le portrait satirique des barons, « un baron qui se pose des questions est un baron malade » fait irrémédiablement penser à la peinture des courtisans que dresse La Bruyère dans Les Caractères. Autre temps, pas forcément autres mœurs !
Becket ou l’honneur de Dieu Jean Anouilh Scripto Gallimard Jeunesse 2006 août 2006 200pages, 9.50€