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    Une ombre sans doute de Michel QuintDes énoncés courts, lapidaires, comme jetés sur la page. Une verve bien trempée, à la va comme je te pousse. Pas de doute, l’auteur est bien Michel Quint. Le narrateur ? "Une ombre, sans doute" ! Un fils voyageur - exilé volontaire - rentré au bercail pour régler la succession de ses parents, et finalement plongé en pleine reconstruction identitaire : un spectre en quête de fantômes. George (sans s) a la mémoire filante. Il parcourt les labyrinthes du passé, s’égare dans les faux-semblants, les mensonges et les souvenirs tronqués.

    Il recompose la vie de Rob, l’espion anglais planqué dans la ferme parentale, où sa mère tient un atelier de couture. Puis celle de Rainer, le "boche", presque bourreau malgré lui. Les amours, les jalousies, l’admiration, la trahison. Ce sont les drames les plus troubles qui se jouent dans ce passé recomposé. Et c’est toute la Seconde Guerre qui renaît de ses cendres. Résistance et collaboration, incarnations manichéistes de circonstance. Michel Quint ressuscite les rancoeurs sans jeter d’huile sur le feu. Il ne dénonce pas, il raconte, peint au couteau ces portraits en chair et en failles d’hommes et de femmes voilés de mystère.


    Le phrasé elliptique, le souffle court, brisé par les souvenirs qui affleurent et se gorgent de détails imaginés anime un texte d’une incroyable densité. Quint se joue de la langue à mesure qu’il la délie, la fait gouailleuse, tendue, émotive. Il tourne et détourne les mots, à coups de rimes et de sentences audacieuses. Son sens du détail, tant linguistique que descriptif, renforce encore cette musicalité. Le foutoir de fanfreluches, de strass et de dentelles des ateliers de couture s’agite au staccato des machines à coudre. ‘Une ombre, sans doute’ vibre littéralement, rebondit de révélations en tromperies. Captivante, magistralement menée, la conquête mnémonique du narrateur nous balade dans une histoire retorse, complexe, peuplée des ombres qui hantent la mémoire collective.

     

     

     

    Une ombre sans doute de Michel Quint, Editeur : Joëlle Losfeld   2008

     

     

     

     


  • Melnitz de Charles LewinskyIl y a d’abord la plume. Surprenante, savoureuse, ponctuée de yiddish, ce qui lui prête une cadence tout à fait particulière. Ensuite, les personnages quasi Balzaciens de la tribu Meijer : Salomon, le marchand de bestiaux, un honnête homme dans sa redingote noire, sa femme Golda, dont le tour de taille a doublé depuis ses noces, et leurs deux filles, Mimi, la gracieuse, et Hannele, plus rebelle. Nous sommes à Endigen,  en 1871. Un des seuls villages helvètes où les Juifs ont encore le droit de vivre. Lors d’une veillée de deuil, un  curieux cousin débarque.  Janik.  Il charme Mimi, mais finira par épouser Hannele, tandis que Mimi se mariera avec le fils Pomeranz, très amoureux d’elle. Voilà la dynastie Meijer en marche. Direction Baden et Zurich.

    Surtout, il y a l’oncle Melnitz. L’aïeul, décédé depuis belle lurette, et ô combien vivant. A chaque événement familial, Melnitz revient. Fantôme drapé de pessimisme, « exhalant une odeur de poussière humide et de terre froide », il surgit tel la statue du Commandeur pour sermonner « ses » Meijer, les mettre devant leurs faiblesses, leurs erreurs, leurs consciences. Il leur souffle : « Un juif reste un juif. Peu importe combien de fois il se fait baptiser », tente de les mettre en garde sur la noirceur du destin qui les attend. Même dans un petit pays « neutre ».

    Melnitz sera notre guide le long de cet époustouflant  roman fleuve qui suit cinq générations de Meijer, jusqu’à la seconde guerre mondiale. La saga familiale –les amours,  les rancœurs, les victoires, les revers-- est portée par le souffle puissant de l’Histoire et la chronique méconnue de la communauté juive de Suisse. Ce roman, traduit pour la première fois en Français, connait un succès retentissant dans tous les pays où il est publié. Mais le dramaturge zurichois Charles Lewinsky se défend d’avoir écrit un roman juif. Plutôt un roman Suisse.


  • Les reliques - Jeanne BenameurCe livre est impressionnant ! Impressionnant par son écriture et aussi parce que j'ai eu la sensation d'être dans un monde irréel. Un monde un peu étrange, un peu énigmatique, surprenant, singulier...Ces trois hommes qui vivent dans l'amour de celle qu'ils ont aimée, la même femme, sont déconcertants et incroyables dans leur amour et leurs émotions ! J'ai du mal à parler de ce livre. Il est particulier. Comme une fable sans en être une. Comme un conte philosophique sans en être un.

    Tout au long de la lecture je me disais que ce roman est vraiment hors du commun, hors du temps. Un roman inhabituel. D'ailleurs au début j'ai été un peu désarçonnée. Un livre de Jeanne Benameur, un peu à part. Mais que j'ai beaucoup aimé aussi. J'ai trouvé que son atmosphère était plus...ah ! Lisez-le ! Vous comprendrez.

    Cette auteure n'en finira pas de me surprendre ! Et elle ne me déçoit jamais.

     


  • Le bateau fantôme - Mary Higgins ClarkCet album est vraiment joli. Les illustrations sont magnifiques, bien définies, aux couleurs d'océan. Elles inspirent le calme, les dunes, les vacances... L'histoire reste originale par sa façon de raconter les choses et de mettre en contact Thomas et Silas que 250 ans séparent. Toute petite, c'est exactement le genre d'album qui m'aurait plu.

    Qui n'a pas, pendant les vacances, eût envie d'approfondir l'histoire entourant un vieux portrait découvert dans le grenier d'un chalet ou alors, de connaître l'histoire entourant les premiers propriétaires d'une maison d'été ?

    Des bateaux, des légendes, un peu d'histoire, bref tout est en place pour offrir aux enfants un livre aussi intéressant à regarder qu'à lire.


  • Avis sur Vingt-quatre mille baisers - Françoise De LucaJ'adore les nouvelles, surtout lorsqu'elles sont magnifiquement bien écrites. C'est le cas de ce tout petit livre absolument merveilleux. Ce recueil est rempli de souvenirs, de douceur, de tendresse. L'auteur joue avec la musique des mots et nous offre en arrière-plan son amour de la musique italienne et sa passion des livres qui plane toujours, quelque part, au-dessus des histoires qu'elle nous raconte. Son écriture est chaleureuse. Apaisante.

    J'ai lu et relu certains passages.

    J'aurais eu envie de partager avec vous plusieurs extraits. Elle parle de ce qui nous défini en tant que personne: notre vécu, nos émotions, notre langue, notre origine. L'auteur est italienne, a vécu en France et vit maintenant au Québec. Elle partage avec le lecteur sa passion des mots et la confrontation des cultures. Ses phrases sont choisies avec soin. Elle raconte tout, en si peu de mots. Sa façon d'évoquer les souvenirs m'a plu. Sa façon de capter l'instant fugace qui change tout, le petit moment de bonheur, est prodigieux. On en voudrait encore.


    La magnifique couverture qui m'a tout de suite attirée est de Madelaine Adelaide. Je trouve, d'ailleurs, que les couvertures choisies au Marchand de feuilles sont toujours jolies et originales.


    À noter que Françoise De Luca est l'auteur d'un roman, Pascale, que je compte bien lire!





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